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La Cour suprême du Canada se prononce sur l’inapplicabilité de la prescription courte des municipalités du Québec

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Montréal (Ville) c. Dorval, 2017 CSC 48.

En octobre 2010, une victime est assassinée par son conjoint. En octobre 2013, des proches parents de la victime entreprennent une poursuite contre la Ville de Montréal, en sa qualité de commettant de ses policiers qui auraient contribué par leur négligence au décès de la victime en ayant omis de faire le suivi approprié et d’assurer convenablement sa sécurité. Les parents réclament des dommages-intérêts personnellement pour préjudices moral et matériel. La Ville de Montréal leur oppose la prescription de leur recours conformément à l’article 586 de la Loi sur les cités et villes, qui dispose pour l’essentiel que tout recours se prescrit par six mois du jour où le droit d’action a pris naissance.

La Cour devait donc trancher la question de savoir si le délai de prescription exceptionnellement court de six mois s’appliquait au recours entrepris par les proches parents de la victime contre la Ville de Montréal en vertu de l’article 586 de la Loi sur les cités et villes, ou bien encore si le délai de prescription de droit commun de trois ans prévu à l’article 2930 du Code civil du Québec s’appliquait. En effet, l’article 2930 du Code civil du Québec dispose que, en substance, malgré toutes les autres dispositions législatives, le délai de prescription de trois ans, de 10 ans ou de 30 ans, selon le cas, s’applique à toute action fondée sur l’obligation de réparer le préjudice corporel causé à autrui.

Décision de la Cour suprême

Selon la majorité des juges, soit cinq sur sept, l’article 2930 du Code civil du Québec s’applique à toute action en responsabilité civile visant l’indemnisation des conséquences directes et immédiates d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne. En fait, le recours en indemnisation est fondé sur l’obligation de réparer le préjudice corporel causé à une personne. À cette fin, le tribunal saisi d’un tel recours doit préalablement qualifier le fondement même de l’action pour décider de l’application ou non du délai de prescription de trois ans (ou d’autres délais, selon la nature du recours) aux termes de l’article 2930 du Code civil du Québec. En outre, toujours selon la majorité de la Cour, l’application de l’article 2930 du Code civil du Québec repose non pas sur les chefs de réclamation, mais bien sur la nature même de l’atteinte initiale à l’intégrité physique de la personne victime de cette atteinte fautive.

Enfin, non seulement la victime d’une atteinte fautive à son intégrité physique, mais aussi toute autre victime qui subit également des conséquences immédiates et directes de cette atteinte, peuvent réclamer une indemnisation en fonction des chefs de réclamation dans un recours fondé sur la même atteinte fautive.

Motifs de l’arrêt

Selon la Cour, l’article 2930 du Code civil du Québec prévaut sur l’article 586 de la Loi sur les cités et villes, dans le cas où le recours est fondé sur l’obligation de réparer le préjudice corporel causé à autrui. La Cour conclut donc qu’en l’espèce la poursuite entreprise par les proches parents n’est pas prescrite car le recours est fondé sur l’article 2930 du Code civil du Québec et, par conséquent, l’article 586 de la Loi sur les cités et villes ne s’applique pas. En somme, dans la mesure où l’article 2930 du Code civil du Québec s’applique, l’article 586 de la Loi sur les cités et villes ne peut s’appliquer, la conséquence étant que la période de la prescription extinctive de trois ans prévaut dans cette instance.

La Cour estime qu’aux fins de l’interprétation et de l’application de l’article 2930 du Code civil du Québec, l’action en responsabilité civile visant l’indemnisation des victimes des conséquences directes et immédiates d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne repose sur l’obligation de réparer le préjudice corporel causé à autrui. À cet effet, la disposition exige que le tribunal saisi d’une action en responsabilité qualifie le fondement même du recours judiciaire entrepris pour décider s’il convient ou non d’appliquer, dans les circonstances de l’espèce, l’article 2930 du Code civil du Québec. Selon la Cour, la notion de « préjudice corporel » fait nécessairement référence à l’atteinte à l’intégrité physique d’une personne ainsi qu’à toute autre victime qui subit également des conséquences immédiates et directes de cette atteinte fautive. Elles peuvent donc toutes réclamer des dommages pécuniaires et non-pécuniaires fondés sur la même atteinte fautive. En conclusion, toutes les victimes qui subissent des conséquences directes et immédiates d’une même atteinte fautive à l’intégrité physique d’une personne, bénéficient du même délai de prescription extinctive de trois ans pour entreprendre leurs recours pour indemnisation.

Veuillez contacter Daniel Bénay pour discuter des questions soulevées dans cet article.

© Cabinet d’avocats NOVAlex inc., octobre 2017

Cet article traite de manière générale de certaines questions d’ordre juridique ainsi que de l’évolution de questions connexes, et ne devrait pas remplacer l’obtention de conseils juridiques pour des situations particulières. Nous serions ravis de discuter de ces questions avec vous dans le cadre de votre situation particulière.