Droit du travail et de l'emploi
Le déconfinement progressif au Québec : quelques pistes de réflexion

Vous possédez une entreprise au Québec et vous vous questionnez sur vos obligations légales et les mesures devant être mises en place pour une réintégration éventuelle de vos effectifs sur les lieux de travail? Voici quelques conseils concernant la planification nécessaire afin de procéder à une réouverture efficace de votre entreprise dans le contexte de la crise de la COVID-19.
Le 28 avril dernier, le gouvernement du Québec a annoncé l’amorce de son plan de déconfinement et la possibilité pour divers secteurs et entreprises au Québec de reprendre leurs activités de façon progressive. Ainsi, dans les prochaines semaines, plusieurs entreprises seront autorisées à et souhaiterons reprendre leurs activités.
Nous explorons, par ce billet, les obligations juridiques des entreprises en matière de santé et sécurité au travail, ainsi que les mesures à mettre en place lors de l’ouverture progressive des entreprises. Il est important de noter que ce billet ne prend pas en compte les obligations additionnelles des employeurs qui pourraient s’appliquer à eux en vertu d’une convention collective ou d’une politique en place au sein de l’entreprise.
Les obligations légales
LA LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL (LA « LSST ») PRÉVOIT QUE L’EMPLOYEUR A L’OBLIGATION DE PROTÉGER LA SANTÉ ET D’ASSURER LA SÉCURITÉ ET L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE DE SES EMPLOYÉS ET EXIGE QUE L’EMPLOYEUR PRENNE TOUTES LES MESURES NÉCESSAIRE POUR RENCONTRER CETTE OBLIGATION ENVERS SES EMPLOYÉS (cf. note 1).
Pour y parvenir dans le contexte actuel de réouverture, l’employeur devra mettre en place des directives et des mesures claires avant l’arrivée des employés dans les lieux de travail et s’assurer que celles-ci soient adaptées, si nécessaire, au fil du temps.
Les inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) peuvent se présenter sur les lieux de travail d’une entreprise à toute heure raisonnable afin d’évaluer lesdites mesures mises en place. Dans la mesure où l’employeur n’a pas fait preuve de diligence raisonnable pour assurer la sécurité de ses employés, celui-ci pourra se voir imposer des pénalités. Ces pénalités, en plus des frais afférents à une défense par procureur, peuvent représenter des sommes importantes pour une entreprise, d’où l’importance d’établir préalablement des mesures efficaces et concrètes.
Toutefois, il est important de rappeler que la LSST prévoit que chaque employé doit aussi prendre les mesures nécessaires pour protéger sa propre santé et assurer sa sécurité et son intégrité physique. Cette obligation s’étend aussi à veiller de ne pas mettre en danger la santé, la sécurité et l’intégrité des autres employés qui se trouvent sur les lieux du travail (cf. note 2) . Par conséquent, l’employé doit participer à l’identification et l’élimination des risques, faire des suggestions à cet égard à ses supérieurs et respecter les mesures mises en place par l’employeur dans le contexte de la COVID-19.
La planification du retour des employés
Avant la réouverture de ses milieux de travail, l’employeur devra effectuer une planification en plusieurs étapes. Pour ce faire, celui-ci devrait identifier les risques de transmission de la COVID-19 sur les lieux de travail et tenter d’éliminer ou de réduire ceux-ci en établissant des directives claires qui seront imposées aux employés lors de leur retour sur place. Voici quelques étapes que nous jugeons importantes à l’identification des risques au travail et à la délimitation de ceux-ci.
La main d’oeuvre
La première étape suggérée est d’identifier les individus qui sont capables d’effectuer l’ensemble de leurs tâches par télétravail. En effet, il est fortement recommandé que les personnes qui sont aptes à fournir leur prestation de travail à distance travaillent de leur résidence afin de limiter le nombre d’individus sur les lieux de travail et de permettre à l’employeur de respecter ses obligations en vertu de la LSST.
Dans un second temps, l’employeur devra faire l’examen de la main d’oeuvre qui doit travailler sur les lieux de travail, afin de les regrouper en plusieurs groupes. Nous vous suggérons d’abord d’identifier les employés qui ont des risques de complication, qui sont immunodéprimées ou enceintes ou qui ont des conditions de santé particulières, ainsi que les employés qui ont plus de 70 ans. Ces personnes vulnérables devraient rester en confinement pour le bien être de leur santé.
De plus, puisqu’ils sont considérés plus vulnérables face à la COVID-19, il serait judicieux d’identifier les employés de 60 ans et plus et de déterminer s’il est possible pour l’entreprise de déployer des mesures particulières de distanciation physique pour ce groupe et de les isoler davantage du reste de la main d’oeuvre de l’entreprise.
Les lieux de travail
L’employeur devra aussi examiner les lieux de travail, c’est-à-dire évaluer si l’aménagement permet de respecter une distanciation physique de deux mètres entre chaque membre du personnel, et identifier les possibilités de réaménagement. S’il n’est pas possible d’assurer une distance raisonnable entre deux postes de travail, l’employeur devrait trouver une façon raisonnable de respecter ses obligations de santé et sécurité, en installant, par exemple, une cloison transparente entre les postes de travail concernés.
L’employeur devra instaurer des protocoles afin d’assurer, notamment, le bon fonctionnement et l’entretien des systèmes de ventilation de l’entreprise, le nettoyage des installations sanitaires et des aires de repas minimalement à chaque quart de travail et la désinfection après chaque quart de travail des outils et équipements partagés entre les employés. De plus, il est conseillé de retirer les objets non essentiels des aires communes.
L’organisation du travail
L’employeur devra fournir aux employés des équipements de protection individuelle adaptés en fonction du risque de chaque membre du personnel. Par exemple, l’employeur pourra fournir des lunettes de protection ou des visières, des masques et des gants, si nécessaire, à la main d’oeuvre plus à risque.
Il est aussi important pour l’employeur de réviser les méthodes de travail des employés en privilégiant, par exemple, des plus petites équipes stables, en réduisant le nombre d’employés effectuant des rotations de tâches, en ne tenant aucune réunion d’employés sur les lieux de travail et en limitant les sorties et déplacements des employés au strict nécessaire.
De plus, il est important d’établir un comité d’employés ou de direction qui s’assurera du respect des directives en place et dont les membres suivront une formation au préalable sur les mesures à respecter sur les lieux de travail. Ce groupe de personne s’assurera d’identifier les employés présentant des symptômes de la COVID-19, par exemple, au moyen d’un questionnaire ou d’une auto-évaluation quotidienne. Il est primordial que les employés présentant des symptômes soient isolés rapidement dans un endroit déterminé. De plus, ces employés devront porter un masque par mesure de prévention et le comité ou les membres de la direction de l’entreprise devront effectuer un signalement au numéro suivant : 1 877 644-4545. (cf. note 3)
Réouverture des lieux de travail
Lors de la réouverture des lieux du travail, nous vous recommandons d’informer l’ensemble de vos employés des directives et mesures mises en place par l’entreprise. De plus, l’employeur devra imposer une obligation à chaque employé de dénoncer immédiatement tout symptôme lié à la COVID-19. L’employeur devra assurer un contrôle et un suivi des consignes mises en place. Des communications écrites régulières devront être envoyées aux employés afin de leur rappeler lesdites mesures et les informer des modifications de celles-ci, si nécessaire.
Il est important de noter qu’en cas de transgression des directives mises en place par un employé de l’entreprise, il est du devoir de l’employeur de sanctionner l’employé en question au moyen de mesures disciplinaires, qui dans le cas d’un manquement grave, pourraient aller jusqu’au congédiement.
De plus, ces mesures disciplinaires devront être documentées par l’employeur afin de démontrer que celui-ci a tenté de protéger la santé et sécurité des employés.
Finalement, une attention particulière devra être portée à la santé psychologique des employés de l’entreprise. En effet, l’employeur doit s’assurer de maintenir un milieu de travail exempt d’harcèlement et sain pour l’ensemble des employés. Dans le contexte actuel, le risque de cyber harcèlement et de troubles psychologiques au travail sont accentués pour les employés. Par conséquent, il est important pour l’employeur d’encourager les employés à discuter de leurs préoccupations avec les membres de la direction désignés par l’entreprise et d’offrir des mesures de conciliation aux employés. Ceci rappelle d’ailleurs l’importance et l’obligation pour les entreprises d’établir et de communiquer à leurs employés une politique interne sur le harcèlement.
Conclusion
Pour vous préparer à la relance ou dans le cadre de la poursuite de vos activités, nous vous suggérons donc de mettre en place des mesures claires et concrètes et de vous assurer du respect de ceux-ci par l’ensemble de vos employés. Vous serez ainsi mieux protégé pour la suite et pourrez, en toute confiance, poursuivre vos activités sans avoir peur de réprimande de la part de la CNESST, tout en assurant un milieu de travail qui vous permet de préserver la santé, la sécurité et l’intégrité de vos employés. Notre équipe demeure évidemment disponible pour vous assister à cet égard.
Ce billet fournit des informations d’ordre général et est partagé à titre informationnel seulement. Il ne constitue pas un avis juridique, et ne doit pas être interprété comme tel. Afin d’être en mesure de bien saisir l’ensemble des éléments légaux qui ont été traités dans la présente et obtenir un avis juridique sur leur applicabilité à votre situation particulière, nous vous suggérons de consulter votre conseiller juridique pour vous assurer de protéger vos droits.
- Article 51 Loi sur la santé et la sécurité au travail.
- Article 49 Loi sur la santé et la sécurité au travail.
- GUIDE DE NORMES SANITAIRES EN MILIEU DE TRAVAIL – COVID-19.